Parler de son histoire dans un livre: une expérience évidente ?

Oct 12, 2019

Source: pixabay

Il y a quelques semaines de ça, j’ai partagé un appel à textes pour des personnes victimes de viol. L’une d’entre elles a avoué ne pas pouvoir y arriver, du moins ne pas y être prête. Étant donné que j’ai écrit une autofiction, je voulais revenir sur cet exercice qui consiste à insérer une part de soi dans le récit. Je voudrais aussi évoquer sa difficulté et comment la contourner.

Pourquoi se raconter dans un livre ?

Les raisons sont diverses et ondoyantes. Les auteur.e.s qui le font utilisent parfois le roman comme une thérapie pour guérir d’une blessure. C’est le cas de Ken Bugul, une auteure sénégalaise. Sa trilogie Le baobab fou (1982), Cendres et braises (1994), Riwan ou le chemin de sable (1999) raconte une partie de son histoire. Dans les interviews que j’ai pu lire, elle confie qu’au départ, son objectif n’était pas de faire carrière dans l’écriture. C’est un de ses amis qui l’a encouragée à publier son roman alors qu’elle vidait seulement sa peine sur du papier.

Les personnalités publiques écrivent aussi leur histoire pour inspirer les autres en racontant leur parcours. Le but étant parfois de montrer que malgré les obstacles, elles ont résisté. Ce message s’adresse aux lecteurs et aux lectrices qui désespèrent. L’an dernier, on a vu arriver sur nos étagères Becoming Michelle Obama (2018) de Michelle Obama. Etant donné son parcours, je pense ne pas me tromper en affirmant que plusieurs femmes verront en l’ancienne première dame des États-Unis une icône et un exemple à suivre.

Dans les deux cas de figure mentionnés ci-dessus, se raconter revient à une mise à nu devant le lecteur/la lectrice avec qui on partage des aspects de notre vie qui ne sont pas toujours avouables. Ainsi, l’auteur.e s’expose aux critiques et aux jugements de ces derniers/dernières.

Pourquoi est-il difficile de parler de soi ?

Selon son histoire, écrire une biographie ou une autobiographie est difficile. Pour les victimes de viol avouer leur histoire alors qu’elles préfèreraient probablement la garder pour eux/elles n’est pas évident. Raconter éveille le souvenir qui hante la mémoire. Ken Bugul a eu une mauvaise expérience d’intégration en Belgique et s’est adonnée à la prostitution, elle s’est droguée, elle a eu des échecs sentimentaux. C’est avec ces blessures qu’elle est retournée chez elle pour se ressourcer. Son livre a une vertu thérapeutique mais il n’était pas destiné à être lu et on comprend pourquoi.

L’autofiction

Mon deuxième roman Un bond dans l’inconnu (2015) est une autofiction. Certaines scènes et certains personnages sont construits à partir de ma vie et de ma personnalité au moment du récit. En commençant le roman, je voulais raconter mon histoire dans son intégralité mais j’ai eu peur du regard des autres. Je me suis dit : « que vont-ils en penser en lisant ce passage-ci ou celui-là ? » Ne pouvant assumer et supporter le regard des lecteurs et des lectrices, j’ai donc décidé de me tourner vers l’autofiction. J’alterne fiction et réalité et le lecteur ne peut différencier l’un de l’autre. C’est grâce à ce subterfuge que je peux assumer ce récit aujourd’hui. Seuls ceux qui connaissent l’histoire sont capables de distinguer le vrai du faux. Et ça me convient. Et si l’autofiction ne suffisait pas ?

Patienter

Parfois, écrire peut sembler difficile. Dernièrement, j’ai partagé un appel à textes adressés aux personnes victimes de viol. J’ai eu deux commentaires sous ce post. Le premier disait : « Poser des mots sur ce pan de mon histoire. J’ai essayé mais le retour émotionnel je n’étais pas prête ». J’ai été touchée par cette réaction et je lui ai répondu ceci : « prends ton temps ». En effet, il y a un moment pour tout dans la vie. Il y a des douleurs qui nécessitent plus de temps pour être digérées. On en parle lorsqu’on se sent prêt.e psychologiquement. Aujourd’hui, il y a une espèce de course à tout et on laisse peu de place à l’émotion. Abstenez-vous en cas de doute.

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