Un livre à lire sur l’expérience d’immigrants en France

Août 24, 2021

En juin 2018, j’ai décidé de relire la collection de nouvelles Afropean Soul par Léonora Miano. Ce n’était pas la première fois que je la lisais. Je l’avais découverte par hasard alors que je vivais encore en Allemagne et, j’avoue avoir été marquée autant par le style, la qualité de l’écriture et les thèmes développés par chaque nouvelle. Cette fois-ci, je souhaitais revoir de plus près la manière dont Léonora Miano traitait des thèmes du racisme, de l’injustice sociale et des femmes laissées pour compte. En lisant cet article, vous decouvrirez la biographie de l’auteure et mon analyse de l’une des nouvelles.
Léonora Miano est née le 12  mars 1973 au Cameroun.
Elle a écrit d’autres romans comme par exemple, Contours du jour qui vient, et La saison de l’ombre. Ses thèmes phares sont le commerce transatlantique, la colonisation et le panafricanisme.

Afropean Soul incluent cinq nouvelles qui sont: Depuis la première heure, Fabrique de nos âmes chagrines, Filles du bord de ligne, Afropean Soul et 166, rue de C.

Les nouvelles se lisent assez facilement. Au bas de chaque page se trouve le vocabulaire des mots difficiles. À la fin du livre, le lecteur lira un entretien de l’auteure qui explique ses motivations d’écrire ce recueil de nouvelles. Elle avait toujours souhaité écrire des textes courts qui seraient des “instantanés, des tranches de vie puisées dans ce que personne n’ose encore appeler la France noire.” (P.92)

Les problématiques soulevées dans le recueil de nouvelles sont celles du racisme, des conditions de vie difficile des immigrés en France, des femmes qui vivent des situations dans la société et qui ont du mal à s’y réinserrer. Léonora Miano est revenue sur le phénomène des bandes de filles qui attaquaient des personnes à un moment donné en France. Filles du bord de ligne nous plonge dans leur quotidien.

La première nouvelle intitulée nous fait entrer dans la tête du narrateur qui, voudrait bien repartir dans son pays natal mais ne peut pas. Son échec économique le condamne à misérer en France. Il dit par exemple: ” je n’ose pas rentrer. Même si ici, tout est sombre depuis la première heure du premier jour.” (Afropean, 27). Il continue en disant : ” laisser la honte s’abattre sur moi”. Ces réflexions sont suivies de l’accueil qu’il anticipe chez lui. (Afropean, 27). Le narrateur imagine les mots à prononcer pour convaincre les siens: me voici. Tel qu’ au jour de mon départ. Nu. Démuni. Vivant et volontaire” (Afropean, 27). Il imagine donc mettre en avant son évolution stagnante et appuyer son humanité, comme pour soutenir que c’est suffisant.

L’histoire commence par “ je n’ose pas rentrer”. Quelle déclaration poignante de cet homme qui vit en France et qui ne s’en sort pas. Rentrer dans son pays l’exposerait aux railleries et à la déception des siens.

Il s’imagine rentrer dans la concession familiale et, d’étendre les mains vides, “la paume regardant le ciel”. Il dirait alors “Me voici. Tel que je qu’au jour de mon départ” (27). Cette phrase est tellement puissante. Elle témoigne tellement du stress que les gens de la diaspora porte sur leurs épaules! Ce personnage est aux abois, il sait que sa seule issue de secours, c’est le retour au pays et, en même temps, il sait que que cette option lui coûterait sa fierté: “parfois, il me vient à l’esprit que je pourrais faire cela “ (27)

Il enchaîne une litanie de raisons qui pourraient faire qu’on ne lui en veuille pas. Il pourrait par exemple “décrire le travail au noir (28), dire des choses aux siens pour qu’ils comprennent que l’Occident n’est pas ce qu’ils imaginent (29)

Mais, cet immigrant est réaliste vu qu’il affirme: “A l’instant même où je voudrais énoncer ces vérités, ils cesseraient de m’écouter. Ils diraient qu’on ne peut pas revenir les mains vides de Mbengué” (29).

“On compte une année, puis deux,. On ne peut toujour pas retourner chez soi. Parce qu’on se doit à tout un clan qui végète dans un pays où les malades doivent arriver à l’hôpital avec leur seringue et leurs médicaments” (31).

Un enfant qui rentre les mains vides soumet les femmes aux “mépris des coépouses dont elle avait ravi les privilèges nocturnes, étant le dernier caprice du mari (31)

Pourtant, ça ne l’est pas et il en est conscient, puisqu’il affirme : “autant mourir ici comme une bactérie neutralisée, et que personne,jamais, n’en sache rien “. Le narrateur préfère donc la misère à la honte du retour: ” je ne peux pas rentrer. Je n’y parviens pas” (Afropean, 32).

Miano, Léonora. Afropean Soul et autres nouvelles. Éditions Flammarion, 2008.

 

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