Nos valeurs se perdent

Oct 11, 2021

Aujourd’hui, j’aimerais partager une courte nouvelle que j’ai écrite en 2017. Je voulais parler de l’importance du partage et de l’accueil des autres, des valeurs qui se perdent progressivement en Afrique subsaharienne. Je crois que l’idée que je voulais aussi véhiculer c’est celle selon laquelle la notion de famille change. Je me sens nostalgique des vacances que je passais chez mes tantes. Ma fille connaîtra-t-elle jamais cela?

Un jour ma mère m’appela au coin du feu en me disant:

-Ma fille, viens, il faut que je te parle.
Sa voix avait la profondeur des eaux de Kribi, son regard était grave comme au jour de ses grandes colères et déception. Assise sur un tabouret, elle empoigna son kaba ngondo qu’elle ramena entre ses jambes. Je vis ses sandales de bois. Je pris un tabouret qui traînait à l’autre bout de la pièce et je m’assis près d’elle. La nuit venait à peine de tomber sur le village. Au loin, j’entendais le murmure des habitants qui vaquaient à leurs occupations.

-Ma fille, mon enfant, je t’appelle aujourd’hui pour te parler d’une chose qui nous concerne tous. Je veux discuter de cette valeur africaine qui se perd aussi rapidement que nos nos sociétés se modernisent. La modernisation ou ce que vous appelez le développement est bien pour l’évolution économique du pays, et pour le confort matériel de nos populations. Mais elle menace terriblement nos valeurs morales.  La solidarité africaine s’en va à mesure que nous nous ouvrons aux valeurs occidentales. Regarde, hier quand j’étais une enfant, ma mère accueillait chez elle des femmes à qui la vie avait tout refuser. Elle leur apprenait la couture et à s’occuper de leur maison. Elle les hébergeait à la maison aussi longtemps qu’elles en avaient besoin. Je me souviens aussi des fous rires qui accompagnaient mes jeux d’enfants quand mes amies d’enfance se rassemblaient dans la grande cour. Mes frères, les enfants sortis du ventre de ma mère et de celui de ses soeurs passaient chaque vacances ici. On ne connaissait pas le mot cousin. A notre époque, il était normal d’offrir à boire à un inconnu. Aujourd’hui, il faut s’annoncer avant de rendre visite à ses propres enfants. Les regards se ferment et deviennent suspicieux devant un étranger.

-Mais mère, le monde change. Les étrangers dont tu parles ne sont pas toujours animés des meilleures intentions, tu sais.

– Tu as parfaitement raison ma fille. Le coeur des hommes et des femmes devient malicieux. Ils sont dans le besoin aussi, développent-ils des stratégies de survie. Arnaquer son frère est aussi normal qu’acheter une baguette de pain à la boutique. Je sais tout ça. Ne sois pas naive mais aide ton prochain autant que tu le peux. Accueille les enfants de tes frères chez toi. Parlez ensemble au lieu de vous cacher dans vos maisons , de baisser les yeux sur vos téléphones portables. Le développement et la modernité tuent nos sociétés mais nous devons résister. La solidarité est tout ce qui nous reste, ma fille.

Je regardai cette femme qui m’avait portée neuf mois dans son ventre me prodiguer des conseils. Je me tus pour boire ses paroles de sagesse. La solidarité africaine. Elle avait parfaitement raison. En Europe, les gens ont tout mais l’individualisme s’est répandu comme une traînée de poudre. Les gens ne se parlent plus et ne se saluent plus. Mon Afrique prend le même chemin en se vantant de se moderniser. Mais quel avenir voulons-nous?

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